La Mystérieuse « Canne aux turquoises » de Balzac

 » Pourquoi la canne de Balzac ?
Parce que certains compagnonnages, d’un point de vue littéraire, portent sens, et qu’il n’est sans doute pas indifférent qu’à partir de 1834, Balzac et sa canne forment un couple aussi inséparable que Flaubert et son perroquet, Nietzsche et son parapluie, le Chevalier de Valois et sa tabatière, ou encore la moule et son rocher « .

Lucien Dällenbach, La Canne de Balzac, Ed. José Corti, 1996, p. 9.

 

A la suite de ses premiers succès (La Physiologie du mariage en 1830, et La Peau de chagrin en 1831), Balzac commence à aller dans le monde. Il partage avec les  » lions  » une loge à l’Opéra. Il fréquente les cafés chics des boulevards. Il cherche à s’habiller avec élégance, à devenir un dandy. Il passe des commandes importantes au tailleur Buisson (qu’il citera dans ses œuvres faute de pouvoir le payer) ; il achète quantité de gants  » beurre frais « , des boutons d’or ciselé.

 » C’est à cette époque que se rapportent ses velléités d’élégance et de dandysme, le fameux habit bleu à boutons d’or massif, la massue à pommeau de turquoises, les apparitions aux Bouffes et à l’Opéra, et les visites plus fréquentes dans le monde, où sa verve étincelante le faisait rechercher, visites utiles d’ailleurs, car il y rencontra plus d’un modèle « .

Et en 1834, il commande au joaillier Le Cointe un pommeau de canne d’une valeur de 700 francs. En guise de comparaison, rappelons que le loyer annuel de la maison de Passy était de 650 francs. Ce pommeau, creux – il s’ouvre grâce à une charnière – est en or, gravé aux armes (usurpées) des Balzac d’Entragues. Il est orné de turquoises provenant, tout comme la dragonne, d’un collier de jeune fille de Mme Hanska. Cette canne bijou allie richesse (le pommeau) et mauvais goût (le jonc est trop épais et trop long). Au lieu d’une canne de dandy, voilà Balzac affublé d’une  » canne monstre », d’un  » bâton de maréchal littéraire », d’une  » massue » qui fait jaser tout Paris, et si l’on en croit l’auteur de La Comédie humaine dans une lettre de 1835 à Mme Hanska, toute l’Europe :

 

 » Vous ne sauriez imaginer quel succès a eu ce bijou qui menace d’être européen. Borget qui est revenu d’Italie et qui ne disait pas être mon ami, me contait en riant qu’il en avait entendu parler à Naples et à Rome. Tout le dandysme de Paris en a été jaloux, et les petits journaux en ont été défrayés pendant 6 mois. Pardonnez-moi de vous parler de ceci, mais il paraît que ce sera matière à biographie. Et si l’on vous disait dans vos voyages que j’ai une canne-fée qui lance des chevaux, fait éclore des palais, crache des diamants, ne vous étonnez pas et riez avec moi. Jamais la queue du chien d’Alcibiade n’a été si remueuse. J’ai encore trois ou quatre queues comme celle-là à couper pour les parisiens « .

Extrait du site: http://www.v1.paris.fr/musees/balzac/collections/mythologies/mythol 23.htm

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